« Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche, ses coquillages et l’iode…

…Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d’eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel… »

Jacques Supervielle, Débarcadères, 1922

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En effet, entre tous ces périples, mes pas m’ont de nouveau donné rendez-vous à Marseille, où nous revoyons les tramways presque comme Marcel Pagnol les voyait, lui, devant le Palais Longchamp (au passage magnifiquement restauré).

Ils ne passent plus vraiment devant, mais le métro nous conduit au pied du jardin que nous remontons pour retomber de l’autre côté, afin de découvrir une première partie du si attendu « Grand Atelier du Midi : de Van Gogh à Bonnard ».

Palais Longchamp

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Parce qu’on s’est dit qu’on allait profiter jusqu’au bout, nous avions nos places, réservées bien à l’avance, pour la visite guidée. Un peu justes sur l’horaire, nous avons été accueillis de manière très aimable et très efficace et nous avons ainsi pu rejoindre le groupe très rapidement.

Presque aussi rapidement que notre sortie du dit groupe. En effet, le guide s’est révélé immédiatement d’une piètre qualité : une diction lente et monocorde, des hésitations entre chaque mot et surtout un contenu d’un inintérêt flagrant (« Oui parce que vous comprenez, Van Gogh est venu à Arles parce que c’était moins cher qu’à Paris… » Au bout de la 5e réflexion à propos du fait que le sud c’est moins cher que Paris, je n’avais qu’une envie, c’était lui dire qu’on avait saisi, que c’était toujours le cas de nos jours et qu’on pouvait donc passer au chapitre suivant…)

Affreusement déçu -sans même parler du prix du billet-, nous nous sommes donc résolus à faire l’exposition par nos propres moyens. Ce qui ne nous a pas empêché d’apprécier les œuvres (en particulier deux petits tableaux de Felix Vallotton, de vrais merveilles…), et de retenir certaines citations des artistes à propos de notre fameux Midi.

Palais Longchamp façade

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Naturellement, le lendemain, nous avions rendez-vous au musée Granet pour passer de « Cézanne à Matisse ». Ce n’est pas que le cliché me manquait, mais il a bien fallu constater que notre visite aixoise s’est déroulée en véritable miroir. Un personnel débordé et peu (mal ?) formé à l’accueil, provoquant du retard pour rejoindre le groupe de la visite guidée, des manières un peu expéditives et une claire désorganisation nous attendaient à l’entrée. En revanche, la guide était aussi enthousiasmant que celui de la veille avait été décevant. Dynamique, enjouée et intéressante, la visite fut une véritable partie de plaisir. Certains ne se sont d’ailleurs pas gênés pour en faire la réflexion à la fin.

J’ai lu, comme beaucoup sans doute, les critiques éreintant les deux expositions. Alors c’est vrai, on a vu scénographie plus originale. Il ne s’agit que d’aligner les grands noms de la peinture du moment, associant tous ceux qui sont passés par le Midi, en toute superficialité. Peut-être. Les deux expositions auraient mieux fait de se conjuguer et de n’être qu’une, sans doute. Quelques chefs-d’œuvres encadrés par des toiles de moindre facture, aussi.

On a employé des expressions comme « name dropping ». Mais pourquoi se priver d’accumuler des noms quand il s’agit de Matisse, Vallotton, Cézanne, Picasso ?

Se contenter de lister de grands artistes et de se faire succéder les tableaux en fonction d’une période plus ou moins bien justifiée intellectuellement est une tendance assez présente dans la muséographie d’aujourd’hui. Le Grand Atelier du Midi ne se calque que ni plus ni moins sur le fonctionnement des « expositions événements » de ces dernières années. Ce serait pour le moins hypocrite que d’en faire l’élément négatif caractéristique de ces deux expositions.

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Au delà du débat pictural et muséographique, après la subsistance de l’esprit vient celle du corps et c’est au Regards Café du nouveau musée de la Fondation Regards de Provence que nos estomacs ont trouvé satisfaction. Simple, frais, copieux, bon, un service sans prise de tête mais agréable et sympathique, les yeux se régalent en même temps que l’estomac : les assiettes sont joliment dressées, oui, mais la vue qui s’offre aux tables est superbe.

Baie vitrée

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vue fondation regards de Provence

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Nouveau spot marseillais, on y croise évidemment beaucoup de gens (Marseille, ou la ville où le monde est vraiment petit), mais l’ambiance reste agréable. A découvrir, et à savourer une fois découvert.

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Au delà de Aix-en-Provence et Marseille, nous avons tiré cette fois jusqu’à Martigues, où le musée Ziem fait découvrir le réaménagement de son espace et un étage consacré à Raoul Dufy : « Dufy, de Martigues à l’Estaque ».

Bien que le musée ne soit pas très grand, les tableaux choisis sont intéressants et bien présentés, selon une répartition thématique et chronologique de l’œuvre. L’influence de Cézanne notamment est bien perçue et complète parfaitement la visite du « Grand Atelier du Midi ». Chaque salle s’accompagne de sa fiche explicative et détaillée, et ce, même au dernier étage, où nous découvrons les travaux de Jean Jacques Rullier, 2e exposition temporaire : « Le glissement des croyances ». Une succession de cartes minutieusement détaillées, à l’aquarelle, invitant au voyage et à l’exploration…au moyen d’une loupe !

Port de Martigues

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vue de Martigues

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Retour à Marseille où le Mucem attend toujours que l’on dépasse l’entrée. Ce ne sera encore pas pour cette fois, car nous avons préféré nous laisser embarquer vers la Digue du Large. Intrigués par ces silhouettes éclatantes de villes lointaines, nous avons fini par découvrir le bateau qui permet de traverser jusqu’à la digue.

Et c’est là que commence la magie.

Darse J4

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La traversée est en elle-même très agréable, surtout qu’on ne se contente pas d’aller d’un bord à l’autre. L’embarcation fait un tour, contourne le Mucem, ce qui permet d’avoir un tout autre regard -émerveillé- sur la dentelle d’acier du nouveau musée, et laisse le temps aux embruns de venir nous étourdir l’esprit avant d’amarrer en face où nous sommes accueillis par une équipe consacrée à l’endroit, qui nous souhaite la bienvenue.

Dentelure du Mucem

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Vue du bateau

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De près, les villes lointaines se rapprochent et redeviennent des cubes et rectangles blancs, abstraits, invitant à grimper dessus et à passer de l’un à l’autre. Les immeubles et tours lointaines ont fait place à des rochers que l’on aborde, les pieds et les mains en avant, comme à la plage.

Les Terrasses

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Digue du large

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Il fait très beau, le soleil est éclatant, le ciel bleu pur et il vente d’un mistral que l’on reconnait. Marseille dans toute sa splendeur, entre ciel et mer, et surtout depuis quelques temps, entre terre et art.

Pharo vu de loin

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Car c’est en reprenant le bateau pour finalement « rentrer en ville », en s’éloignant de cette digue retrouvée, que Les Terrasses de Kader Attia prennent tout leur sens. Comme les villes portuaires qui se découpent au loin sur les côtes, appelant les marins à venir découvrir de nouvelles contrées, leur fantôme pâlissant au soleil s’éloigne en même temps que l’embarcation, et l’on ressent au creux des vagues comme l’abandon d’un lieu qu’on a connu.

Les Terrasses Kader Attia

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Départ

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La navette est gratuite et fonctionne tous les week-ends, l’embarquement se fait derrière le Mucem, depuis la darse du J4.

J’en connais qui seraient même prêt à payer pour pouvoir s’y rendre aussi en semaine 😉

Une bien belle œuvre pour un bien bel endroit.

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« C’est étrange, à Paris je ne dessine jamais de fauves, de centaures ou de héros mythologiques. On dirait qu’ils ne vivent qu’ici »        

Pablo Picasso

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